Deux prix Hugo, l'un en 1960 et l'autre en 1963. Pour le premier, Starship Troopers, Robert Heinlein se fit parfois taxer de militariste fascisant. Le second, En Terre Etrangère, fait l'apologie de l'amour libéré et de l'anarchie comme modèles pour sauver le monde. Chacun des romans donne lieu à de longues digressions aux dialogues quasi-socratiques, et dont les conclusions valident ces deux idéologies a priori opposées.
Comprendre ce semblant de contradiction, c'est comprendre Heinlein, qui n'aime rien tant que démontrer tout et son contraire avec le sérieux, mais également la gouaille, d'un philosophe de comptoir.
Comme le dit en son temps le cardinal Du Perron à Henri III : « Sire, j'ai prouvé aujourd'hui par raisons très bonnes et évidentes, qu'il y avoit un Dieu ; demain, Sire, s'il plaist à Vostre Majesté me donner encore audience, je vous monstrerai et prouverai par raisons aussi bonnes et évidentes qu'il n'y a point de Dieu ». Le roi hélas goûta peu le mot d'esprit. Le lecteur d'Heinlein, lui, est d'avantage d'humeur pour ce genre de jeux.
En Terre Etrangère conte l'histoire d'un Martien, Valentin Michael Smith, en fait premier humain né sur Mars, suite à la première expédition martienne dont il fut l'unique survivant. Récupéré vingt ans plus tard par l'expédition suivante, il arrive sur Terre où il découvre les traits de caractère des Hommes tel un nouveau Candide parcourant le monde.
Le roman commence comme de la SF et devient progressivement un conte philosophique. Les pouvoirs du jeune homme lui permettent de ne pas se contenter d'un rôle d'observateur mais d'entreprendre de changer le monde.
Attention, la philosophie de Heinlein est à prendre au second degré, sous peine d'être imbuvable, tant il se complait dans le sexisme, la mièvrerie religieuse et une certaine forme de racisme. "Mais il est sérieux, là, où il plaisante ?" est la question que se pose sans cesse le lecteur éclairé de Heinlein. L'autre, le non-éclairé, y patauge allègrement tel le cochon dans sa mare boueuse. De là à y voir une explication de l'énorme succès de cet écrivain outre-atlantique, il y a un pas que je ne me risquerais pas à franchir. Pour Gérard Klein, sémaphore de la science-fiction, Heinlein est une clef essentielle pour comprendre l'Amérique.
Au final, une lecture originale, souvent déconcertante, mais qui traine un peu en longueur. A lire dans l'herbe pendant l'été, en écoutant une mélopée indienne des Beatles, pour se prendre pendant quelques heures pour un hippie.
14/20
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