L'Affaire de Road Hill House, de Kate Summerscale, relate dans le détail un fait divers réel, arrivé en 1860 dans une petite ville industrielle anglaise : l'assassinat sordide d'un jeune enfant. Très vite, la police va se heurter à la sacro-sainte notion du respect du foyer anglais, considéré comme une forteresse que ni l'Etat ni personne n'a de légitimité à troubler.
Le souci du détail déployé par l'auteur est clinique. Rien n'est épargné au lecteur, et ce dès le prologue :
"Le dimanche 15 juillet 1860, l'inspecteur principal Jonathan Whicher, de Scotland Yard, paya deux shillings au conducteur du fiacre qui le transporta de Millbank, quartier situé à l'ouest de Westminster, à la gare de Paddington, terminus londonien du Great Western Railway. Là, il prit deux billets : l'un, pour la somme de sept schillings et dix pence, à destination de Chippenham dans le Wiltshire, trajet de quatre-vingt-quatorze miles, et l'autre qui moyennant un schilling et six pence, lui ferait ensuite couvrir les vingt miles séparant Chippenham de Trowbridge."
Autant dire qu'avaler les 430 pages fut long, très long, d'autant plus que je n'ai jamais au fond de moi, voulu connaître avec un tel luxe de détails aussi insipides qu'inutiles, l'Angleterre victorienne.
Quelques notions et anecdotes intéressantes restent ancrées dans l'esprit du lecteur d'autant plus courageux que le suspense lié à l'histoire est inexistant (volontairement, on n'est pas là pour s'amuser mais pour compter les pence). J'ai ainsi appris que le terme clue (indice) vient de clew (fil) lui-même faisant référence au fil d'Ariane. Maintenant, vous le savez aussi, et sans avoir lu le livre, veinards que vous êtes.
Le retentissement de l'affaire dans les journaux de l'époque, la personnalité du détective Whicher en charge de l'enquête, les débuts du roman policier à la même époque (Poe venait de créer son détective Auguste Dupin, précurseur de Sherlock Holmes), l'implication directe d'écrivains tels que Dickens dans l'affaire, l'utilisation de théories scientifiques plus ou moins farfelues pour élucider le mystère, auraient pu rendre l'idée d'ensemble sympathique. Pourquoi une telle froideur dans l'analyse ?
Bon. Voilà qui est chose faite. Maintenant, je vais essayer de me persuader à nouveau que la lecture peut également consister en un moment agréable.
PS : Telerama trouve le travail de l'auteur remarquable (et je ne dis pas le contraire), ce qui me renforce dans mon opinion : http://www.telerama.fr/livres/l-affaire-de-road-hill-house,29366.php
PPS : Auguste Dupin apparaît dans la remarquable nouvelle d'Edgar Allan Poe, Double Assassinat dans la rue Morgue, à lire absolument.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire