mardi 1 mars 2011

Réalité virtuelle, ennui réel

Amer constat, l'un des romans les plus brillants que j'aie lu ces derniers mois a distillé chez moi un ennui profond. La Cité des Permutants, de Greg Egan, traite de réalité virtuelle, sujet qui pourtant m'intéresse fortement. Et s'il était possible de reproduire jusqu'au niveau moléculaire un être humain virtuellement, cet avatar n'aurait-il pas la sensation d'être vivant ? Quels seraient ses droits et quels seraient les droits que son initiateur aurait sur lui ?
Les sujets de réflexion sont nombreux : s'il est possible de voir sa conscience dédoublée dans le corps d'un avatar virtuel, n'échappe-t-on pas ainsi à la mort ?
Et si un monde virtuel et ses habitants pouvaient s'affranchir de la tutelle de notre monde réel ?

Extrait page 141 :
"Fraichement ressuscité, il s'était constamment inquiété de savoir quels aspects de son passé il devrait imiter pour conserver la raison et lesquels il devrait éliminer pour être honnête avec lui-même. Une fenêtre avec vue sur la ville semblait suffisamment innocente  - mais c'était grotesque de traverser à pied ou à bicyclette un décor de foules artificielles, et, les rares fois où il avait tenté l'expérience, il l'avait trouvée intensément déprimante. Cela ressemblait trop à la vie et trop au rêve qu'il chérissait : revenir un jour parmi les vivants. Il ne doutait point qu'il se serait à la longue vacciné contre l'illusion, mais ce n'était pas ce qu'il voulait. Lorsque finalement il habiterait un robot de téléprésence aussi réaliste que son propre corps perdu - lorsque finalement il voyagerait à nouveau dans un vrai train et descendrait à nouveau une vraie rue -, il ne voulait pas que la joie de ces expériences soit émoussée par des années de simulation parfaite."


Le problème est que durant les trois quarts du livre, les brillantes idées de l'auteur sont décrites de façon quasi-cliniques, amenant à les survoler avec un certain intérêt intellectuel, mais sans le moindre engagement. Tout cela manque d'âme, âme paradoxalement remise en avant quand l'action finalement se déroule dans la fameuse cité virtuelle indépendante. Peut-être l'effet fut-il souhaité par Egan ? En attendant, la lecture en est rendue peu attachante, si ce n'est parfois fastidieuse.

Un grand livre, que je ne conseillerai donc que dans le cas d'un intérêt prononcé pour les mondes virtuels, et encore.

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