mercredi 10 novembre 2010

Thursday III, IV et V

J'ai été contaminé par le virus Jasper Fforde. Les aventures de Thursday Next, agent de la Jurifiction, entité interne au monde des livres en charge de leur bon déroulement, et détective littéraire au sein des OpSpec britanniques lors de ses retours dans le monde réel, m'ont passionné, fait rire, accroché par leur suspens. J'ai dévoré les tomes III, IV et V : Le Puits des Histoires Perdues, Sauvez Hamlet et Le Début de la Fin.

Lors de l'une de ses premières missions, elle est capturée par les personnages secondaires d'un sombre bouquin à l'eau de rose, qui, mal et peu décrits,  dépérissent d'ennui : (Le Puits des Histoires Perdues, page 258)
"- On a commencé par des bons mots qui nous mettaient en joie pendant un bon petit moment. Ca a duré quelques mois, mais bientôt, ça n'a plus suffi ; on voulait du rire, de la gaieté, du bonheur sous toutes ses formes. Des garden-parties trois fois par mois, une fête des moissons toutes les semaines, une tombola quatre fois par jour - tout ça n'était pas assez ; on voulait... de la vraie dope !
- Du chagrin, murmura maîtresse Passante, du chagrin, de la tristesse, de l'affliction mais à haute dose. Vous avez lu Au Service Secret de sa Majesté ?
Je hochai la tête.
- C'est ça qu'on voulait. Le coeur en liesse à la perspective d'un mariage soudain brisé par la mort brutale de la mariée !
Je contemplai ces Génériques légèrement déjantés. Incapables de faire naître artificiellement des émotions dans le cadre de leur idylle rurale, ils s'étaient embarqués dans le trip méthodique des mariages forcés et des enterrements pour se procurer le plaisir recherché. Au vu du nombre de pierres tombales dans le cimetière de l'église, combien d'autres avaient déjà subi le même sort ?
- Votre mort nous anéantira, bien sûr, susurra maîtresse Passante, mais nous nous en remettrons... le plus tard sera le mieux !
- Attendez ! dis-je. J'ai une idée !
- On n'a pas besoin d'idées, mon amour, répondit maître Dupatelin, braquant le pistolet sur moi. On a besoin d'émotions.
- Combien de temps ce fixe durera-t-il ? lui demandai-je. Une journée ? Peut-on regretter quelqu'un qu'on connaît à peine ?
Ils se regardèrent. J'avais tapé dans le mille. Avec de la chance, la jouissance qu'ils tireraient de mon assassinat et de mes funérailles leur permettrait de tenir jusqu'à l'heure du thé.
- Vous avez une meilleure idée ?
- Je peux vous fournir des émotions à la pelle. Des sentiments tellement forts que vous ne saurez plus où donner de la tête.
- Elle ment ! clama maîtresse Passante froidement. Tuez-la vite... je ne peux plus attendre ! Je veux de la tristesse ! Tout de suite !
- Je fais partie de la Jurifiction. Du danger et des dissensions, je peux en importer dans ce livre plus qu'un millier de Blyton en l'espace de toute une vie !
- C'est vrai ? s'exclamèrent les villageois qui buvaient du petit lait en m'écoutant.
- Oui, et je vous le prouve. Maîtresse Passante ?
- Oui ?
- Maître Dupatelin m'a dit tout à l'heure qu'il trouvait que vous aviez un gros cul.
- Il a dit quoi ? s'étrangla-t-elle, savourant l'affront que je venais de lui infliger.
- Je n'ai jamais dit ça ! protesta maître Dupatelin, que l'indignation fit décoller à son tour.
[...]
- Je ne me rappelle plus qui m'a fait un enfant !
Un silence soudain se fit autour de moi.

- Scandaleux ! décréta le révérend. Répugnant, moralement abject... mmmm !
- Mieux que ça, ajoutai-je. Si vous m'aviez tuée, vous auriez aussi tué l'enfant que je porte ; il y aurait eu de quoi vous sentir coupable pendant des mois !
- Oui ! hurla maître Rustique. A mort !
Je levai mon arme. Ils s'arrêtèrent tout net.
- Vous regretterez toujours de ne pas m'avoir tuée, murmurai-je.
Calmés, les villageois s'abandonnèrent au sentiment de frustration engendré par mes paroles."


S'il fallait ajouter un compliment, un autre talent de Fforde s'ajoutant à sa géniale imagination, est la qualité de sa structuration. L'histoire, qui peut paraître par moment virant à l'absurde, n'abandonne jamais sa cohérence interne, et aucun fait, même le plus farfelu, ne manque d'une justification en conclusion.

Un bonheur de lecture.
Le Puits des Histoires Perdues et Sauvez Hamlet : 17/20
Le Début de la Fin : 16/20, mais une véritable ampleur retrouvée à mi-roman.

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