mardi 23 août 2011

Haute montagne

En haute montagne, dans les Alpes, le face à face d'un chamois et d'un braconnier.
Pas n'importe quel chamois. Il mène sa harde depuis 20 ans. L'animal est fier et intelligent. Quand il ne dirige pas son troupeau, il le domine perché sur un à-pic, toujours un papillon blanc posé sur une corne.
Pas n'importe quel braconnier. Un solitaire vivant en pleine montagne, vainqueur des pires parois avant les alpinistes pour trouver le bon angle de tir. Lié étroitement à cette nature sauvage où il est un voleur, selon ses propres termes.
Lorsqu'un automne le chamois sent que bientôt un plus jeune mâle viendra le déposer, que le chasseur trouve le poids des années devenir trop lourd pour la vie qu'il mène, une dernière confrontation s'impose.

Extrait p34, Editions Gallimard :
Le canon du fusil avait ramassé des fils d'araignées dans les passages. Il les laissa, ils étaient de bon augure, oeuvre du plus grand chasseur du monde, qui dessine des pièges dans l'air pour capturer des ailes. L'araignée était une collègue. Dans sa cabane, les fils des toiles d'araignées étaient tendus autour de la fenêtre. Ils brillaient au soleil pour accrocher les vols. Les araignées fixaient des filets avec un centre et attendaient. Les proies viennent à elles. L'homme devait escalader pour aller au centre des proies. L'araignée était le plus fort des chasseurs. Dans sa position encore à l'ombre, l'homme voyait briller au vent un fil de toile d'araignée collée sur le canon de son fusil.


Le Poids du Papillon, d'Erri de Luca, est une belle histoire. Le style est sobre, sans effets, touchant. Une très belle randonnée en montagne.

lundi 22 août 2011

Istanbul Constantinople

Comme elle est belle, l'idée de ce roman. Retracer la venue de Michel-Ange, en froid avec un pape trop près de ses deniers, à Constantinople, chez le Grand Turc. En 1506, Bayezid II le Juste a décidé de relier par un pont enjambant le Bosphore les deux rives de sa capitale. Non satisfait par les plans que lui a proposé Léonard de Vinci, il fait mander Michel Ange.
Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants, de Mathias Enard, narre le séjour de ce peintre et sculpteur de génie, tiraillé entre son orgueil d'artiste, ses peurs d'excommunication, et son attirance pour une belle danseuse andalouse.

Qu'il est dommage que le ton languide du récit ne soit pas à la hauteur de la beauté de l'histoire.
Extrait p 128, Editions Actes Sud : (un monologue de la danseuse)
Tu sens que la fin approche, que c'est la dernière nuit. Tu auras eu la possibilité de tendre la main vers moi, je me serai offerte en vain. C'est ainsi. Ce n'est pas moi que tu désires. Je ne suis que le reflet de ton ami poète, celui qui se sacrifie pour ton bonheur. Je n'existe pas. Tu le découvres peut-être maintenant ; tu en souffriras plus tard, sans doute ; tu oublieras ; tu auras beau couvrir les murs de nos visages, nos traits s'effaceront peu à peu. Les ponts sont de belles choses, pourvu qu'ils durent ; tout est périssable. Tu es capable de tendre une passerelle de pierre, mais tu ne sais pas te laisser aller aux bras qui t'attendent.


Le roman est découpé en petits chapitres d'une ou deux pages, et ne va pas sans donner l'impression que chaque mot accouché fut une épreuve. Heureusement l'ensemble est court et l'aspect plaisant de l'histoire compense amplement l'épuisement du style.

vendredi 19 août 2011

Nihil novi sub sole

Ceux qui vont mourir te saluent, morituri te salutant comme l’auraient clamé les gladiateurs devant l’empereur romain avant de se battre, est un des premiers romans policiers de Fred Vargas.  Les mécanismes habituels de l’auteur sont déjà en place, et le lecteur habitué devinera facilement où elle veut le perdre et où finalement elle va l’emmener. Les personnages sont plein de charmes, que ce soit les trois amis étudiants, Claude, Tibère et Néron, la beauté fatale pourtant si fragile et le détective pas causant mais amoureux quand même.
L’enquête et ses rebondissements se déroulent dans une Rome joliment représentée. Il fait chaud et moite, et les pas raisonnent fort sur le marbre des bibliothèques vaticanes. Les évêques pratiquent la casuistique, les flics passent leur temps à faire fausse route et le meurtrier trucide. Nihil novi sub sole. 

Extrait, Editions J’ai Lu, page 91 :
En haut, Laura trouva les trois garçons dans un état tourmenté, les visages soucieux ou fatigués.  Elle passa les doigts dans les cheveux de Claude.
-          - Tibère, mon grand, dit-elle, tu ne crois pas que ce serait bien que tu nous donnes quelque chose à boire ? Et à manger ? Qu’est-ce que vous avez eu aujourd’hui ? Qu’est-ce qui ne va pas ?
Tibère laissait tomber les glaçons au fond d’un verre.
-         -  Il y a un homme qui est venu nous voir, Laura, dit-il avec une moue. C’est un envoyé spécial du gouvernement français, un de leurs meilleurs juristes, paraît-il. Il est chargé, à cause d’Edouard Valhubert qui s’affole, de juguler l’enquête de la police italienne, de tirer ses propres conclusions et de décider du sort final de l’affaire, qu’il soit juste ou non, peu leur importe, l’essentiel étant la sécurité d’Edouard Valhubert le Crapaud.
-          - Pourquoi est-ce que tu l’appelles le Crapaud ?
-          - Parce que j’ai décidé que le ministre Edouard avait une tête de crapaud. Il l’avait d’ailleurs bien avant d’être ministre. Enfin, tu ne trouves pas qu’il a une tête de crapaud ?
-          - Je ne sais pas, murmura Laura. Tu es drôle. Qu’est-ce que ça peut faire ?
-         - Attention, intervint Néron, efforçons-nous d’être précis : crapaud à ventre jaune ou bien crapaud à ventre de feu ?
-         - Jaune, absolument jaune, comme un citron, dit Tibère.
-         - C’est bon ça, le citron, dit Néron.
-         - Vous me faites chier, dit Claude. Tibère, tu parlais de cet envoyé spécial à Laura, essaie de continuer, je t’en prie.


Un bon divertissement de journée d’été, de préférence les pieds dans l’herbe avec une bonne limonade. Ca passe tout seul.