dimanche 17 avril 2011

Assassin

Dans le roman Gagner la Guerre, Jean-Philippe Jaworski replonge son lecteur dans le monde qu'il avait dépeint dans son recueil Janua Vera. Ce long récit (près d'un millier de pages, tout de même) est raconté à la première personne par Benvenuto. Benvenuto est un salaud. Un assassin au service d'un podestat de la république de Ciudalia. L'auteur et son narrateur nous présentent les complexes intrigues de jeu de pouvoir au sein de la cité juste victorieuse face à son ennemi ressinien.
J'adore la plume de Jaworski. Il joue de divers registres de langues, du plus châtié au plus argotique avec une joie manifeste. Ses personnages sont hauts en couleur, les raisonnements fins et les descriptions lumineuses.
Mais... Mais Benvenuto n'attire absolument pas la sympathie. Et suivre aussi longtemps un gaillard si détestable n'est au bout d'un moment pas agréable. Alors oui, Jaworski joue de la surprise, nous faisant croire régulièrement à la rédemption de son narrateur, qui au bout du compte ne saisira aucune opportunité dans ce sens. Oui, la vision totalement désabusée de la politique et des motivations des politiciens est finement amenée. Toutefois, le pessimisme absolu de l'auteur dans son récit aurait gagné à être, selon moi, contrebalancé par une note d'espoir. Il n'en laisse aucune. Et je trouve cela dommage.

Extrait page 694 (Editions Folio) d'un échange entre Benvenuto et son compagnon elfe :
"Ah ça y est ! Ca me revient ! s'écria-t-il. J'ai bien un message à te donner ! J'ai rencontré un homme qui voulait te parler.
- Hein ? Et c'est seulement maintenant que tu me l'annonces ?
- Ca m'est sorti de l'esprit...
- Et c'est qui, ce type ? Tu le connais ?
- Je ne l'ai jamais vu jusqu'alors.
- Et il t'a donné son nom ?
- Heu... Il ne me l'a pas dit... Il affirmait être de ton bord... Il te donnait rendez-vous au Dernier Carré ; tu le trouveras à tous les coups, à ce qu'il m'a assuré.
- Et c'était un métèque ?
- Un métèque ? ... Qu'entends-tu par ce terme ?
- Un type un peu nègre. Un basané, quoi !
- Un individu bronzé ? Qui aurait un peu ton épiderme ?"
Je ravalai le chapelet d'injures qui se bousculaient sur mes lèvres.
"Un type bien plus bronzé que moi., grondai-je, foncé comme un bon marron."
Annoeth haussa les épaules, et me répondit avec un sourire vaguement fat :
"Je n'en ai aucune idée. A nos yeux, tous les Humains paraissent nés dans la même portée."



En dépit de ce bémol personnel, l'ensemble reste une bien belle lecture.

mercredi 13 avril 2011

La quadrature du cercle

« L’Homme aux Cercles Bleus » est un des premiers (le premier ?) romans policiers de Fred Vargas. On assiste à l’arrivée à Paris du commissaire Adamsberg, prenant ses fonctions dans le commissariat qui sera le cadre de ses futures enquêtes. Il est déjà brumeux, le commissaire, pelleteux de nuages. Il dénoue avec brio les affaires, mais à l’intuition, au ressenti. La méchanceté, Adamsberg, il la voit suinter. Les preuves, c’est l’affaire de la troupe, pour étayer la conviction. Le contrepoint que joue son adjoint Danglard, le rationnel, le terre-à-terre, est salutaire.

Alors que depuis plusieurs semaines, des objets ordinaires sont retrouvés dans Paris entourés d'un cercle bleu, ce qui ne semble à la plupart des observateurs qu'une lubie innocente, inquiète profondément le commissaire Adamsberg. Ce dernier se met à collectionner les articles de journaux à ce sujet et à rechercher une logique, géographique ou autre, à ce curieux phénomène. Jusqu'au jour où ce n'est plus un objet, qui est découvert au centre d'un cercle, mais un cadavre.

L’ensemble est bien écrit, tranquille et sinueux comme la démarche d’Adamsberg. Je regrette simplement d’avoir deviné la plupart des ressorts de l’intrigue très en amont. Fred Vargas avait posé dans ce roman « de jeunesse » la plupart des bases de ses futures intrigues. Une fois qu’on a compris comment elle fonctionne, le suspense devient relatif. Si c’est votre premier Vargas, vous l’apprécierez d’autant plus.


Mon coup de cœur : j’adore les flics de Vargas. Ils sont si humains et touchants. Adamsberg tire d’eux le meilleur. C’est un peu un commissariat rêvé que dépeint l’auteur dans ses romans. Il tient plus du village des Schtroumphs (le flic dormeur, le flic gourmand, le flic à lunettes, la schtroumphette…) que d’une reconstitution réaliste. Mais c’est ce qui en fait le charme.

Et si vous aimez les Experts... il n'y a aucun rapport.