mercredi 17 novembre 2010

L'esprit de Tolkien

Quand j'ai ouvert La Roue du Temps, de Robert Jordan, ce n'était pas sans une certaine appréhension en pensant aux 18 volumes de la saga. Si j'avais le malheur d'aimer, je mettais le doigt dans quelque chose de conséquent.

Malheur à moi, j'ai dévoré ce roman. Comme il va de soi en Heroic Fantasy, les héros vivent dans un petit village reculé et la grande histoire va venir les chercher.
Hommage au Seigneur des Anneaux ? Le magicien de passage dans leur village(Gandalf - Dame Moiraine), le jour d'une grande fête, va les guider dans leur périple. Ils seront menés dans leur route par un guerrier/homme des bois/de noble lignée (Aragorn - Lan) Ils vont être poursuivis par des cavaliers noirs (Nazgul - Myrdraal). Dans les ruines d'une vieille cité (Khazad-dûm, Shadar Logoth), ils vont faire face à une très ancienne entité maléfique (le Balrog - Mashadar). Vers la fin du tome 1, poursuivis par des hordes du Seigneur des Ombres (Sauron - Baalzamon), qui est enfermé sous la montagne de Barad-Dûr - Shayol Ghul, la communauté va être amenée à se disperser...

Oui, ça fait beaucoup. Et pourtant, l'auteur maîtrise bien son sujet, sait donner progressivement une ampleur à sa propre mythologie, et l'on est habilement pris au jeu. Je ne parlerai donc pas de plagiat, mais d'hommages et de références.

Je conseille chaleureusement ce premier tome aux amateurs d'Heroic Fantasy. Les autres peuvent sans état d'âme passer tranquillement leur chemin.

15/20

mercredi 10 novembre 2010

Thursday III, IV et V

J'ai été contaminé par le virus Jasper Fforde. Les aventures de Thursday Next, agent de la Jurifiction, entité interne au monde des livres en charge de leur bon déroulement, et détective littéraire au sein des OpSpec britanniques lors de ses retours dans le monde réel, m'ont passionné, fait rire, accroché par leur suspens. J'ai dévoré les tomes III, IV et V : Le Puits des Histoires Perdues, Sauvez Hamlet et Le Début de la Fin.

Lors de l'une de ses premières missions, elle est capturée par les personnages secondaires d'un sombre bouquin à l'eau de rose, qui, mal et peu décrits,  dépérissent d'ennui : (Le Puits des Histoires Perdues, page 258)
"- On a commencé par des bons mots qui nous mettaient en joie pendant un bon petit moment. Ca a duré quelques mois, mais bientôt, ça n'a plus suffi ; on voulait du rire, de la gaieté, du bonheur sous toutes ses formes. Des garden-parties trois fois par mois, une fête des moissons toutes les semaines, une tombola quatre fois par jour - tout ça n'était pas assez ; on voulait... de la vraie dope !
- Du chagrin, murmura maîtresse Passante, du chagrin, de la tristesse, de l'affliction mais à haute dose. Vous avez lu Au Service Secret de sa Majesté ?
Je hochai la tête.
- C'est ça qu'on voulait. Le coeur en liesse à la perspective d'un mariage soudain brisé par la mort brutale de la mariée !
Je contemplai ces Génériques légèrement déjantés. Incapables de faire naître artificiellement des émotions dans le cadre de leur idylle rurale, ils s'étaient embarqués dans le trip méthodique des mariages forcés et des enterrements pour se procurer le plaisir recherché. Au vu du nombre de pierres tombales dans le cimetière de l'église, combien d'autres avaient déjà subi le même sort ?
- Votre mort nous anéantira, bien sûr, susurra maîtresse Passante, mais nous nous en remettrons... le plus tard sera le mieux !
- Attendez ! dis-je. J'ai une idée !
- On n'a pas besoin d'idées, mon amour, répondit maître Dupatelin, braquant le pistolet sur moi. On a besoin d'émotions.
- Combien de temps ce fixe durera-t-il ? lui demandai-je. Une journée ? Peut-on regretter quelqu'un qu'on connaît à peine ?
Ils se regardèrent. J'avais tapé dans le mille. Avec de la chance, la jouissance qu'ils tireraient de mon assassinat et de mes funérailles leur permettrait de tenir jusqu'à l'heure du thé.
- Vous avez une meilleure idée ?
- Je peux vous fournir des émotions à la pelle. Des sentiments tellement forts que vous ne saurez plus où donner de la tête.
- Elle ment ! clama maîtresse Passante froidement. Tuez-la vite... je ne peux plus attendre ! Je veux de la tristesse ! Tout de suite !
- Je fais partie de la Jurifiction. Du danger et des dissensions, je peux en importer dans ce livre plus qu'un millier de Blyton en l'espace de toute une vie !
- C'est vrai ? s'exclamèrent les villageois qui buvaient du petit lait en m'écoutant.
- Oui, et je vous le prouve. Maîtresse Passante ?
- Oui ?
- Maître Dupatelin m'a dit tout à l'heure qu'il trouvait que vous aviez un gros cul.
- Il a dit quoi ? s'étrangla-t-elle, savourant l'affront que je venais de lui infliger.
- Je n'ai jamais dit ça ! protesta maître Dupatelin, que l'indignation fit décoller à son tour.
[...]
- Je ne me rappelle plus qui m'a fait un enfant !
Un silence soudain se fit autour de moi.

- Scandaleux ! décréta le révérend. Répugnant, moralement abject... mmmm !
- Mieux que ça, ajoutai-je. Si vous m'aviez tuée, vous auriez aussi tué l'enfant que je porte ; il y aurait eu de quoi vous sentir coupable pendant des mois !
- Oui ! hurla maître Rustique. A mort !
Je levai mon arme. Ils s'arrêtèrent tout net.
- Vous regretterez toujours de ne pas m'avoir tuée, murmurai-je.
Calmés, les villageois s'abandonnèrent au sentiment de frustration engendré par mes paroles."


S'il fallait ajouter un compliment, un autre talent de Fforde s'ajoutant à sa géniale imagination, est la qualité de sa structuration. L'histoire, qui peut paraître par moment virant à l'absurde, n'abandonne jamais sa cohérence interne, et aucun fait, même le plus farfelu, ne manque d'une justification en conclusion.

Un bonheur de lecture.
Le Puits des Histoires Perdues et Sauvez Hamlet : 17/20
Le Début de la Fin : 16/20, mais une véritable ampleur retrouvée à mi-roman.

lundi 8 novembre 2010

Trois jours à New-York

L'Attrape-coeurs, de JD Salinger, est un roman se déroulant tout du long à la première personne, dans les yeux d'un adolescent de seize ans, Holden Caulfield, élève dans une pension chic de Nouvelle Angleterre. Problèmes scolaires et relationnels vont aboutir à son renvoi, et à sa fugue à New-York.
Durant trois jours, il va, au fil de ses rencontres, sombrer lentement ou trouver des planches de salut.

Difficile de décrire la finesse de ce grand livre, son approche psychologique, la richesse de ses non-dits. Je n'avais pas été aussi admiratif de l'approche et de la description du schéma de pensées de personnages depuis le Domaine et le Manoir d'Isaac Bashevis Singer.

Roman magnifique, rempli de couleurs, d'espoirs et de tendresse, ce classique publié en 1951 n'a pas pris une ride.

Il paraît que tout le monde a déjà lu ce classique. Je suis heureux d'avoir réparé mon retard.

19/20