mercredi 17 juin 2009

Au commencement étaient les épices


Au commencement étaient les épices. Ainsi commence la biographie de Magellan par Stefan Zweig. Les épices, si chères au goût des Européens, qui avant leur découverte mangeaient des plats d'une extrême fadeur. Epices dont ils ne purent plus se passer.
L'ennui est qu'elles venaient de loin, récoltées à l'autre bout du monde par des esclaves malais, échangées à Malaka, amenées en jonques aux comptoirs indiens, puis jusqu'en Arabie où elles étaient transportées en caravane jusqu'en Egypte ou en Syrie, avant d'être chargées sur la flotte commerciale vénitienne et vendues aux marchands européens, une fois arrivées. Autant dire qu'avec autant d'intermédiaires, elles n'étaient pas données. Et que l'or et l'argent, faute de marchandises de valeur équivalente, étaient inexorablement attirés vers l'Orient. De là à justifier une Croisade...
Mais les Croisades ne permirent pas aux Occidentaux de se libérer le passage vers l'Océan Indien.

C'est là que les découvreurs intervinrent. Une race de marins hors du communs, en cinquante ans, changèrent la connaissance que l'homme avait du monde. Colomb, Cabot, Vasco de Gama, Bartholomeu Diaz, Americo Vespucci. Leurs noms sont restés gravés dans l'Histoire. Une génération unique.

Le passage du Cap de Bonne Espérance devint en quelques années une formalité. Le Pape accorda aux Portugais toutes les terres qu'ils découvriraient à l'Est et aux Espagnols à l'Ouest de l'Europe. Les îles aux épices revenaient mécaniquement ainsi aux Portugais. A moins qu'il ne soit possible de "faire le tour" et de les prendre à revers.
C'est ce que Magellan va offrir au roi d'Espagne, l'empereur Charles Quint. Il va ainsi partir à la tête d'une armada de cinq vaisseaux pour ce qui fut à l'époque la plus grande exploration de l'histoire de l'humanité : un tour du monde. Encore fallait-il non seulement que la terre soit ronde, n'en déplaise à l'Eglise et comme l'avait décrit Ptolémée dès le premier siècle avant l'ère chrétienne. Mais il fallait également qu'il existe un passage entre le continent américain et l'Antartique, permettant de relier l'Atlantique à l'Océan Indien. Qui aurait pu deviner que non seulement ce passage, le futur détroit de Magellan, existait, mais qu'il débouchait sur l'immensité du Pacifique ?
Pour mener une telle expédition, entouré d'hostilité car Portugais au milieu d'Espagnols, il se trouva un homme aux qualités hors du commun.
Sa biographie, sublimement racontée par Zweig, sans effets de style superflus, ne se lit pas mais se dévore.

19/20

mardi 16 juin 2009

Coucher de Soleil


L'Hiver du Grand Roi, second tome de la biographie consacrée à Louis XIV par Max Gallo, narre le rêgne de Louis XIV à partir de son installation à Versailles. Il a 40 ans et des angoisses métaphysiques. Ces dernières se traduisent par un mariage (secret) avec Madame de Maintenont, qui restera à ses cotés jusqu'à la fin. Et comme elle se fait attendre, la fin, pour ce monarque. 77 ans. Il enterre fils, petits-fils et arrières petits-fils, à l'exception du duc d'Anjou, futur Louis XV.
Les conditions climatiques n'étaient pas idéales, l'hygiène à revoir, mais la grande faucheuse bénéficiait principalement, il faut le souligner, de l'aide des médecins. Rien de tel pour un malade que de bénéficier de quelques saignées et lavements pour être définitivement guéri.
Max Gallo insiste fortement sur le fait que la Princesse Palatine, épouse de Monsieur, frère du Roi, n'a dû sa longévité qu'à son refus systématique d'appliquer les conseils de la Faculté. Et le petit duc d'Anjou encore bébé ne dut son salut qu'au fait que les médecins étaient trop occupés à tuer son frère ainé à coups de lavements à la rhubarbe, et à son énergique nounou qui ne le laissa point tomber entre leurs doctes mains.
Autre point fort intéressant du livre, l'évolution du Roi, son rejet progressif de la guerre, lui qui la prisa tant dans sa jeunesse. Un monarque bénéficiant de la force de ses jeunes années et de la sagesse de la vieillesse... quelle belle chimère.
Ma critique précédente demeure à mes yeux valable. Les effets de style ne sont pas de la plus grande finesse et l'auteur prend nombre de petites libertés historiques afin de donner de la couleur à ses anecdotes.
Toutefois, ce tome-ci fait un peu plus frétiller les neurones en termes d'agitation d'idées. Je conseille donc et signe.

16/20

PS : Un point m'a fait particulièrement tiquer, de même qu'Heliosse (http://heliosse.virginradioblog.fr/heliosse/2008/03/louis-xiv-le-ro.html). L'auteur évoque de possibles abus sexuels commis sur la personne du roi dans son jeune âge par Mazarin. Il ne l'affirme pas, et de fait il n'a pas de preuve. Toutefois, il insiste lourdement sur le sujet, et dans les deux tomes. Exemple parmi d'autres d'une rigueur historique parfois relative, sacrifiée sur l'autel de l'anecdote frappante.

mercredi 10 juin 2009

Lever de Soleil


Louis XIV, le Roi Soleil, tome 1 de la biographie du grand roi par Max Gallo, n'est pas la plus belle biographie historique qui soit. Max Gallo aime disséquer les caractères, mais son approche psychologique des personnages est à Stefan Zweig ce que Gérard Krawckzyk est à Marcel Pagnol.
Tout ça se lit bien, très bien, même, bien que le style soit d'une pauvreté rare ; J'ai renoncé à compter le nombre de fois où l'auteur assène en fin de paragraphe son définitif "Il est le roi". Tadaaaaam, roulements de tambours.
Max Gallo est de surcroit d'une rare partialité pour un historien (comme il le sera à nouveau dans ses deux tomes plus récents sur la Révolution Française). Il ne tente à aucun moment, par exemple, de défendre Nicolas Fouquet. La reine Marie-Thérèse est expédiée en quelques lignes. Et le détail des faits laisse le plus souvent la place à l'anecdote romancée. L'ensemble donne un résultat coloré, mais peu rigoureux.

Louis XIV ne s'impose qu'au décès de Mazarin. Conscient de n'avoir de rendre de comptes qu'à Dieu, il fait la guerre, sans craindre de s'exposer, danse au milieu des ballets, et choisit sa favorite d'un soir sans se soucier du qu'en dira-t-on. "Il est le roi".

Le tome 1 s'arrête alors que Louis XIV, à 40 ans, s'installe définitivement à Versailles. Perturbé par le décès de proches, notamment de nombre de ses enfants, il va se tourner dorénavant vers la religion, délaissant la dévergondée Montespant pour la bigote Maintenont. Ca, c'est le tome 2, et j'en parlerai la semaine prochaine.

En résumé, un excellent livre historique "de gare", ce qui n'est pas un défaut.

14/20

mardi 2 juin 2009

Une reine bien trop légère


Nicolas Le Floch doit à nouveau défendre les intérêts de la Couronne. Dans le Noyé du Grand Canal, de Jean-François Parot, nouveau tome (le 8e, déjà...) des aventures du petit marquis breton devenu commissaire au Chatelet et confident du Roi, l'intrigue tourne autour du vol d'un bijou porté par la Reine. Bijou ô combien sensible dans la mesure où il peut également servir de passe-partout pour les portes de ses appartements.
Le Duc de Chartres est un jaloux et un intriguant. On ne se refait pas. Le Comte de Provence également. Avec un tel cousin et pareil beau-frère, l'honneur de la Reine, qui prête de surcroit tant le flanc à la critique, ne peut être qu'entre de mauvaises mains et les panflets, et les quolibets, fleurissent dans un Paris persifleur pour la plus grande joie de la perfide Albion.
L'enquête est agrémentée, comme à l'habitude, de la description détaillée de mets "de l'époque", qui donnent au foie du héros une place centrale dont la résistance n'a d'égale que son obstination dans la poursuite des épineuses enquêtes auquelles il se frotte.
Beau cours d'histoire où l'on rencontre Mesmer le magnétiseur, Restif de la Bretonne, poète et oiseau de nuit, et nombre d'autres personnages historiques, habitués de la série (Sartine, ministre de la Marine, Le Noir, lieutenant général de police) sans oublier la famille royale.

Parot est sans conteste un habile historien et certainement un fin gourmet. Je maintiens avoir plus de doutes sur ses qualités en tant qu'écrivain policier. L'ensemble est agréable, s'avale rapidement et sans indigestion. Les ficelles sont hélas bien grosses et le plus naïf des lecteurs aura compris plusieurs chapitres avant le héros qui est le coupable. C'est dommage, mais pas rédhibitoire.

Je vous le conseille pour le train, lors d'un départ en vacances estivales. Vous n'arriverez pas stressés.

13/20 (parce que j'aime manger)

PS : La série a nombre de fans, suffisamment d'ailleurs pour avoir justifié une adaptation télévisuelle de certaines enquêtes. Je suis persuadé que vous trouverez de multiples critiques plus élogieuses que celle-ci.